mercredi 25 décembre 2019

Frappe toi le cœur - Amélie Nothomb

Frappe toi le cœur, première de couverture Marie est une jeune fille à qui tout réussi. Elle en devient même un peu agaçante. Elle tombe enceinte à 20 ans d'une petite fille prénommée Diane. A partir de là, tout le monde n'a d'yeux que pour Diane. Amélie Nothomb va explorer dans ce livre des situations de jalousie mère/fille. Marie aura deux autres enfants. Etant moi même mère et fille, les rapports mère/enfant du livre m'ont beaucoup intéressés, même s'ils sont poussés à l'extrême (donc peu crédibles à mon sens).
Citations
"Quel plaisir d'être cent fois respirée, mille fois convoitée, jamais butinée ! Il y avait une joie encore plus puissante : il s'agissait de susciter la jalousie des autres. Quand Marie voyait les filles avec cette envie douloureuse, elle jouissait de leur supllice au point d'en avoir la bouche sèche. Au delà même de cette volupté, ce que disaient ces yeux amers posés sur elle, c'était que l'histoire en cours était la sienne, c'était elle qu'on racontait, et les autres souffraient de se découvrir figurantes, invitées au festin pour en récolter les miettes, conviées au drame pour y mourir d'une balle perdue, c'est-à-dire d'une brûlure qui ne leur était pas destinée."
"L'enfer est pavé de bonnes intentions ; semblablement les intentions les plus mesquines peuvent être à l'origine de joies sincères."

"Diane cessa d'être un enfant à cet instant. Pour autant, elle ne devint ni une adulte ni une adolescente : elle avait 5 ans. Elle se transforma en une créature désenchantée dont l'obsession fut de ne pas sombrer dans le gouffre que cette situation avait creusé en elle."
"En une interrogation, il avait changé son destin, non seulement parce qu'elle avait décidé qu'elle vivrait, mais aussi parce qu'elle avait enfin un objectif : exercer la profession de cet homme. Elle serait médecin. En regardant et en écoutant les gens avec attention, elle sonderait leur corps et leur âme. Sans plus de bavardages que le docteur de la veille, elle mettrait le doigt sur la faille et sauverait des êtres humains. La fulgurance de son diagnostic surprendrait."

"Diane ressentit quelque-chose d'inconnu : son âme se dilata d'enthousiasme et d'admiration. [...] Diane restait ébahie face à des répliques de cette espèce. En effet, comment osait elle espérer l'amitié d'une personne aussi exceptionnelle d'esprit et d'audace? [...] Le dépit de ne pas plaire à Elisabeth donnait seulement envie de se battre pour la gagner à soi."

"La soirée se poursuivit sur ce ton. Quand Diane rentra chez elle, elle était dans un état second : jamais elle n'avait été a ce point enthousiasmée par quelqu'un. Que cette femme supérieure s’intéressât à elle et allât jusqu'à lui laisser croire qu'elle pouvait l'enrichir la bouleversait. [...] Diane brûlait de la questionner sur sa vie. Le sentiment de son indiscrétion l'en empêchait. Tour ce qui concernait Olivia lui paraissait prodigieux."

samedi 31 août 2019

Bye Bye Blondie - Virginie Despente

Bye Bye Blondie, première de couverture Après la lecture de la trilogie Vernon Subutex, je n'ai pas hésité une seule seconde quand j'ai vu un livre de Virginie Despente dans les rayons de ma médiathèque. J'ai adoré retrouver son style bourrin, vulgaire... mais si pertinent! Ses anti-héros attachants. Ici, Gloria a été internée dans un HP étant ado. Elle y a rencontré Eric. Ils sont tombés amoureux. Mais cette relation s'est arrêtée à leur sortie de l'HP. De nombreuses années plus tard, Gloria est pilier de comptoir dans son bar de quartier. Eric, présentateur d'émissions à succès à la télé. Tout les sépare mais vont ils se retrouver? Seront ils fait l'un pour l'autre? (haha je me fais plaisir sur le teasing téléphoné!). J'ai dévoré et adoré ce livre. J'adore Virginie Despente. J'ai trouvé que justement elle n'était pas tombé dans le piège de la relation téléphonée, qu'elle sait intercaler dans ses scènes des critiques saillantes sur la société. Elle me fait réfléchir. Et certaines de ses phrases me subjuguent par leur justesse.
Citations
"Cependant, régulièrement, il faut s'aventurer dehors. Alors la peur revient, roues métalliques tranchantes qui jonchent tous les parcours et travaillent dans la chair, pour attaquer les os. Dans les couloirs du métro, c'est joyeux comme un vestibule d'abattoir. Découragement, inquiétude et misère, ça se lit sur les visages, une masse immonde et noire qui recouvrirait tout. Qui éteint les regards, remplit les bouches que ça tire vers le bas. Cendres et rancœurs, braises travaillées par les charognards, bouches de mort excitées par les odeurs de la peur."
"Alors comme ça, accepter d’être une femme, c’était prendre des coups sans vouloir les rendre. OK, connard, bien entendu."

Elle s'est sentie méchamment bête, une connasse de l'enfer. D'avoir attendu avec toute cette confiance. De s'être sentie aussi bien avec lui. D'y avoir cru, ne serait-ce qu'une seule seconde, imaginé que ça pouvait lui arriver, un joli truc, lumineux et pas compliqué. "Pauvre connasse", se répétait-elle, "ça t'apprendra à vivre, pauvre pute imbécile"
"Elle l'attend devant chez Ladurée, pendant qu'il se fade des heures de queue. Elle allume une clope et fait des réflexions à voix haute: - Ca, bande de connards, quand il faut attendre cinq minutes à la poste, là on vous entend, tous... mais à cinquante euros la boîte de gâteaux, là trente minutes de queue sans l'ouvrir... Vous êtes d'une bêtise intolérable... vous êtes des pauvres, dans l'âme, vous êtes des connards de pauvres, entendu?"

mardi 14 mai 2019

1Q84, Livres 2 et 3 - Haruki Murakami

1Q84, Livres 2 et 3, première de couverture Bon, je n'avais pas été transcendée par le livre 1. Et bien j'ai eu raison de persévérer car la suite est fantastique. Ça reste toujours un peu lent, mais finalement, quand c'est un délice c'est cool que ce soit lent. Au troisième tome, un nouveau personnage fait son entrée en mode narration. J'étais un peu déçue qu'il prenne autant de place car je le trouvais beaucoup moins intéressant que les deux autres. L'ensemble reste fantastique, poétique, romantique, avec du suspens. Un bon équilibre. J'ai adoré les deux derniers chapitres, même si je reste carrément sur ma faim quant au dénouement et questions que je me pose encore sur beaucoup de personnages.
Citations
Et tout son épiderme exhalait une odeur merveilleuse. Le parfum d'une vie particulière, dont la chair n'était encore qu'en formation. Celui des fleurs en plein été, couvertes de la rosée matinale.
[sur la mort] comment dire, cela m'a fait penser à la feuille d'un arbre qui tombe d'elle même, à la fin de l'automne, un jour où il n'y a pas de vent. Mais si par miracle nous nous rencontrions, que le destin faisait que nous nous reconnaissions, alors je me confierais totalement, je lui ouvrirais mon cœur. Nous irions dans un café des environs, nous nous assiérons face à face et nous boirions quelque chose. Il avait tant de choses à lui raconter. Il lui dirait par exemple "Je me rappelle bien que tu m'as serré la main dans la salle de classe de l'école. Après j'aurais voulu que nous soyons amis. J'aurais voulu savoir plein de choses sur toi. Mais je n'ai rien fait. Il y avait à cela différentes raisons. Mais le problème principal, c'est que j'étais peureux. Je l'ai toujours regretté. Encore aujourd'hui, je le regrette. Et puis, j'ai tellement pensé à toi." Bien sûr, il ne lui dirait pas qu'il s'était masturbé avec son image dans la tête. Cette sincérité relevait d'un autre ordre. Puis Fukaéri se pencha lentement en avant, elle approcha son visage du sien, et embrassa Tengo sur la bouche. Sa bouche demi ouverte s'ouvrit en grand, elle fit entrer dans celle de Tengo sa langue souple. Une langue qui sentait bon. Sa langue cherchait obstinément le code secret qui y était inscrit en mots qui n'étaient pas des mots. La langue de Tengo réagit inconsciemment à ses mouvements. Un peu comme deux jeunes serpents tout juste sortis de leur hibernation, entrelacés dans une prairie de printemps, qui flairent leurs odeurs et se perdent voracement l'un dans l'autre. Mais, finalement, j'ai compris. Aomamé n'est pas un concept, ni un symbole, ni un exemple. C'est une femme réelle. Elle a un corps, de la chaleur, une âme qui vit, qui bouge. Et cette chaleur et ce mouvement, je ne devais pas les perdre. Il m'a fallu vingt ans pour comprendre une chose aussi évidente. Je suis sans doute quelqu'un qui a besoin de beaucoup de temps pour réfléchir, mais là, j'ai dépassé les bornes. Peut être est-il trop tard. Malgré tout, je veux absolument la retrouver. [...] Tengo ordonna ses pensées. Puis il dit: "J'ai sans doute fait un long détour. Cette jeune fille, qui s'appelle Aomamé - comment dire -, a été pendant très longtemps, de manière constante, le centre de mes pensées. Elle a fait fonction pour moi de centre de gravité. Comme un poids vital, essentiel. Et pourtant je n'ai pas été en mesure de le comprendre. Peut être justement parce qu'elle était trop centrale". Je ne dois pas avoir trop d'attentes, se répétait Aomamé. Je ne dois pas avoir trop d'espoirs. Le Kawana qui habite là bas, c'est peut être Tengo, oui. Mais peut être pas. Dès que l'espérance se lève, le cœur se met en mouvement. Et quand les espoirs ont été trahis, vient le découragement. Le découragement appelle l'impuissance. On baisse sa garde par imprudence. Là réside pour moi maintenant le plus grand péril. J'ai l'impression que ce qui existe entre Tengo Kawana et vous, c'est un lien indissoluble. - Un lien plus fort que tout au monde, répondit Aomamé. Quel que soit le monde, corrigea-t-elle intérieurement. Quelle serait la bonne entrée en la matière quand ils se retrouveraient soudain tous les deux, sans ce genre de préambule? Aomamé n'en avait pas idée. A l'imaginer sa respiration s'emballait, sa tête s'embrumait. Ils auraient trop à se dire. Et en même temps, il n'y avait rien qui devait absolument être dit. Les choses dont elle aimerait le plus parler perdraient leur sens dès qu'elle les aurait mis en mots. Peu importe la date à laquelle je vis aujourd’hui, peu importe le lieu où je me trouve ici. Ça n’a aucun rapport avec le fait que j’ai envie de le voir. Envie de le voir à en mourir. Il me semble que c’est la seule certitude que j’aie. La seule chose que je pourrais affirmer sans l’ombre d’un doute. [...] je fais équipe avec Tengo pour ce nouveau récit. Nos deux volontés - ou un courant de fond en deça de nos volontés - ne font plus qu'un, elles lancent cette nouvelle histoire complexe, elles la propulsent en avant. Cela se joue sans doute à un niveau très profond, invisible. Ainsi, même en n'étant pas ensemble physiquement, nous sommes connectés, nous ne sommes qu'un. Nous créons un récit, lequel en même temps, nous met en mouvement.

mardi 26 février 2019

1Q84, Livre 1 : Avril-Juin - Haruki Murakami

1Q84, Livre 1 : Avril-Juin, première de couverture Aomamé est une jeune femme célibataire qui exerce un travail très particulier, à mi chemin entre tueur à gage et justicière de l'ombre. Tengo est un jeune homme patchwork improbable entre un sportif accompli (et la carrure qui va avec), professeur de mathématiques en école préparatoire et écrivain à ses heures perdues. Au milieu de tout ça : Fukaéri, alias Eri. Une adolescente de 17 ans, un peu à l'ouest, au ton monocorde et il est clair : unique en son genre. C'est d'ailleurs l'originalité de son manuscrit, la Chrysalide de l'air, qui suscite l’intérêt de Tengo au début du bouquin. Le livre est long à démarrer. On comprend à la 200ème page pourquoi il s'appelle ainsi, puis à la 300ème page un lien entre deux personnages est mis en évidence. Je trouve que l'information est distillée vraiment trop au compte goutte et je me suis un peu ennuyée. Par ailleurs, il y a des redites un peu pénibles sur les précurseurs en fin de bouquin. Et pour finir, le style ne m'a pas transcendée (quand je compare aux derniers bouquins que j'ai lu... bon je partais ptete de loin). Hormis cela, dans l'ensemble c'est un beau début d'histoire, ça reste encore très mystérieux. J'ai bien aimé les références à George Orwell, mais je trouve un peu téléphoné le parallèle little people/big brother. Même si le rythme est trop lent à mon goût, il y a un certain équilibre entre les passages d'action, sentimentaux, philosophiques et politiques. J'ai hâte de connaître la suite :)
Citations
L’Histoire nous enseigne que, au fond, nous sommes les mêmes, autrefois comme aujourd’hui. Même si nos vêtements ou nos modes de vie ont beaucoup changé, nos pensées et nos actes ne sont pas très différents. L’être humain, finalement, n’est qu’un simple véhicule, ou un vecteur, pour les gènes. Nous sommes leurs montures tout au long de leur voyage, de génération en génération, exactement comme des chevaux que l’on remplace lorsqu’ils vont mourir. Et les gènes n’ont aucune notion de ce qui est bien ou de ce qui est mal. Ni la moindre idée de ce que nous éprouvons. Ils ignorent si nous sommes heureux ou malheureux. Nous ne sommes pour eux qu’un moyen. Leur priorité, c’est d’obtenir pour eux-mêmes le meilleur rendement.
Peu importe la date à laquelle je vis aujourd’hui, peu importe le lieu où je me trouve ici. Ça n’a aucun rapport avec le fait que j’ai envie de le voir. Envie de le voir à en mourir. Il me semble que c’est la seule certitude que j’aie. La seule chose que je pourrais affirmer sans l’ombre d’un doute.

vendredi 15 février 2019

Vernon Subutex (trilogie) - Virginie Despente

Vernon Subutex tome 1, première de couverture Quel régal cette trilogie! Virginie Despente a un style clair, concis, incisif et efficace. En plus de décrire la société actuelle avec un délicieux humour noir, j'adore comment elle construit ses personnages : comme une maison. J'étais d'abord juste séduite par son verbe piquant et agressif, les quelques personnages qui prennent vie avec une personnalité complète et réaliste bien qu'ils soient très différents les uns des autres (les fondations). Puis, le nombre de personnages n'a cessé de croître (les extensions), sans pour autant qu'ils soient relégués à un second plan ou bien qu'ils se ressemblent. Non : chacun avait ses propres traits de caractère, sa façon de penser, de parler hyper réaliste (les finitions). Cela doit demander un travail énorme!!! Ajoutez à ça une trame autour de la musique, le concept de "drogue-son" et là je deviens baba :)
Je regrette juste deux choses : le nom du héros. Et le fait que la majorité du bouquin n'est pas écrit à la première personne, cela défavorise peut être un peu l'immersion... mais avec le nombre de personnages cela aurait pu être confus (en mode horde). Et puis peut-être voulait elle privilégier le groupe à l'individu.
Citations
Vernon sait faire la différence : excité, c'est le bas-ventre qui palpite, amoureux, ce sont les genoux qui faiblissent.
À quarante ans, voulant s’embourgeoiser, Jean-No s’était mis à l’opéra. Il s’habillait comme un Playmobil endimanché et sortait des conneries de mec de droite, dix ans avant que ce soit la mode
Cannes, se disait Xavier, c'est la fête de la saucisse avec des putes en Louboutin. Tous à dégueuler leur caviar, le nez plein de coke, après avoir récompensé du cinéma roumain.

On dirait que sa tête a poussé de ses cheveux et non l'inverse :)

jeudi 17 janvier 2019

Mémoires d'une jeune fille rangée - Simone de Beauvoir

Mémoires d'une jeune fille rangée, première de couverture C'est la merde. Dans ma vie. Je suis retombée par hasard sur ce bouquin en cherchant des trèfles à 4 feuilles et je me suis dit que j'allais l'ouvrir.
Un début un peu punitif : un joli phrasé, mais il me faut plus qu'une forme impeccable pour kiffer, et je trouvais le fond ennuyeusement longuet. Ce n'est que passé les 100 premières pages que ça va mieux. Et là, vraiment ça vaut le coup. Simone raconte le début de sa vie dans le milieu bourgeois des années 1920, ses pensées, ses interrogations, ses découvertes, ses états d'âmes. Une majeure partie de ses écrits est intemporel et je me suis beaucoup retrouvée dans cette jeune fille, sa passion pour les livres d'abord, son questionnement permanent, l'intellectualisation de toutes choses, même au détriment de ces choses, son rapport aux autres, et surtout ses sentiments. Je crois que ce bouquin m'a donné à lire les plus belles phrases que j'ai lues dans ma vie (je suis en mode fleur bleue). C'est comme si elle arrivait à mettre des mots justes et précis sur beaucoup de choses qui me sont arrivées et donc à m'aider à les comprendre, les organiser. C'est vraiment un livre salvateur. Et en bonus, c'est une féministe invétérée. La bonne nouvelle: il y a deux autres tomes à suivre. J'ajoute ça direct à ma pile de lecture. Citations (je n'arrive pas à select..) :
Je me disais que, tant qu’il y aurait des livres, le bonheur m’était garanti. Je me crus autorisée moi aussi à considérer mon goût pour les livres, mes succès scolaires, comme le gage d’une valeur que confirmerait mon avenir. Je devins à mes propres yeux un personnage de roman. Toute intrigue romanesque exigeant des obstacles et des échecs, je m’en inventai. J’avais réussi à me délivrer intérieurement des clichés dont les adultes accablent l’enfance : j’osais mes émotions, mes rêves, mes désirs, et même certains mots. Mais je n’imaginais pas qu’on pût communiquer sincèrement avec autrui. Dans les livres, les gens se font des déclarations d’amour, de haine, ils mettent leur cœur en phrases ; dans la vie, jamais on ne prononce de paroles qui pèsent.
Seule: pour la première fois je comprenais le sens terrible de ce mot. Seule, sans témoin, sans interlocuteur, sans recours. Mon souffle dans ma poitrine, mon sang dans mes veines et ce remue-ménage dans ma tête, cela n'existait pour personne.
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