mardi 14 mai 2019

1Q84, Livres 2 et 3 - Haruki Murakami

1Q84, Livres 2 et 3, première de couverture Bon, je n'avais pas été transcendée par le livre 1. Et bien j'ai eu raison de persévérer car la suite est fantastique. Ça reste toujours un peu lent, mais finalement, quand c'est un délice c'est cool que ce soit lent. Au troisième tome, un nouveau personnage fait son entrée en mode narration. J'étais un peu déçue qu'il prenne autant de place car je le trouvais beaucoup moins intéressant que les deux autres. L'ensemble reste fantastique, poétique, romantique, avec du suspens. Un bon équilibre. J'ai adoré les deux derniers chapitres, même si je reste carrément sur ma faim quant au dénouement et questions que je me pose encore sur beaucoup de personnages.
Citations
Et tout son épiderme exhalait une odeur merveilleuse. Le parfum d'une vie particulière, dont la chair n'était encore qu'en formation. Celui des fleurs en plein été, couvertes de la rosée matinale.
[sur la mort] comment dire, cela m'a fait penser à la feuille d'un arbre qui tombe d'elle même, à la fin de l'automne, un jour où il n'y a pas de vent. Mais si par miracle nous nous rencontrions, que le destin faisait que nous nous reconnaissions, alors je me confierais totalement, je lui ouvrirais mon cœur. Nous irions dans un café des environs, nous nous assiérons face à face et nous boirions quelque chose. Il avait tant de choses à lui raconter. Il lui dirait par exemple "Je me rappelle bien que tu m'as serré la main dans la salle de classe de l'école. Après j'aurais voulu que nous soyons amis. J'aurais voulu savoir plein de choses sur toi. Mais je n'ai rien fait. Il y avait à cela différentes raisons. Mais le problème principal, c'est que j'étais peureux. Je l'ai toujours regretté. Encore aujourd'hui, je le regrette. Et puis, j'ai tellement pensé à toi." Bien sûr, il ne lui dirait pas qu'il s'était masturbé avec son image dans la tête. Cette sincérité relevait d'un autre ordre. Puis Fukaéri se pencha lentement en avant, elle approcha son visage du sien, et embrassa Tengo sur la bouche. Sa bouche demi ouverte s'ouvrit en grand, elle fit entrer dans celle de Tengo sa langue souple. Une langue qui sentait bon. Sa langue cherchait obstinément le code secret qui y était inscrit en mots qui n'étaient pas des mots. La langue de Tengo réagit inconsciemment à ses mouvements. Un peu comme deux jeunes serpents tout juste sortis de leur hibernation, entrelacés dans une prairie de printemps, qui flairent leurs odeurs et se perdent voracement l'un dans l'autre. Mais, finalement, j'ai compris. Aomamé n'est pas un concept, ni un symbole, ni un exemple. C'est une femme réelle. Elle a un corps, de la chaleur, une âme qui vit, qui bouge. Et cette chaleur et ce mouvement, je ne devais pas les perdre. Il m'a fallu vingt ans pour comprendre une chose aussi évidente. Je suis sans doute quelqu'un qui a besoin de beaucoup de temps pour réfléchir, mais là, j'ai dépassé les bornes. Peut être est-il trop tard. Malgré tout, je veux absolument la retrouver. [...] Tengo ordonna ses pensées. Puis il dit: "J'ai sans doute fait un long détour. Cette jeune fille, qui s'appelle Aomamé - comment dire -, a été pendant très longtemps, de manière constante, le centre de mes pensées. Elle a fait fonction pour moi de centre de gravité. Comme un poids vital, essentiel. Et pourtant je n'ai pas été en mesure de le comprendre. Peut être justement parce qu'elle était trop centrale". Je ne dois pas avoir trop d'attentes, se répétait Aomamé. Je ne dois pas avoir trop d'espoirs. Le Kawana qui habite là bas, c'est peut être Tengo, oui. Mais peut être pas. Dès que l'espérance se lève, le cœur se met en mouvement. Et quand les espoirs ont été trahis, vient le découragement. Le découragement appelle l'impuissance. On baisse sa garde par imprudence. Là réside pour moi maintenant le plus grand péril. J'ai l'impression que ce qui existe entre Tengo Kawana et vous, c'est un lien indissoluble. - Un lien plus fort que tout au monde, répondit Aomamé. Quel que soit le monde, corrigea-t-elle intérieurement. Quelle serait la bonne entrée en la matière quand ils se retrouveraient soudain tous les deux, sans ce genre de préambule? Aomamé n'en avait pas idée. A l'imaginer sa respiration s'emballait, sa tête s'embrumait. Ils auraient trop à se dire. Et en même temps, il n'y avait rien qui devait absolument être dit. Les choses dont elle aimerait le plus parler perdraient leur sens dès qu'elle les aurait mis en mots. Peu importe la date à laquelle je vis aujourd’hui, peu importe le lieu où je me trouve ici. Ça n’a aucun rapport avec le fait que j’ai envie de le voir. Envie de le voir à en mourir. Il me semble que c’est la seule certitude que j’aie. La seule chose que je pourrais affirmer sans l’ombre d’un doute. [...] je fais équipe avec Tengo pour ce nouveau récit. Nos deux volontés - ou un courant de fond en deça de nos volontés - ne font plus qu'un, elles lancent cette nouvelle histoire complexe, elles la propulsent en avant. Cela se joue sans doute à un niveau très profond, invisible. Ainsi, même en n'étant pas ensemble physiquement, nous sommes connectés, nous ne sommes qu'un. Nous créons un récit, lequel en même temps, nous met en mouvement.